Je vous écris depuis…
Comme beaucoup d’autres festivals, Paroles Indigo n’a pas pu avoir lieu cette année.
Aux premiers jours de novembre, nous nous sommes retrouvés orphelins, sans les auteurs, les artistes et les éditeurs qui depuis 7 ans nous rejoignent à Arles et Tarascon pour partager avec un public grandissant lectures, conférences, rencontres, spectacles, expositions, films, ateliers et grands repas partagés.
Le festival Paroles Indigo aurait dû avoir lieu au moment ou le second confinement a commencé et il nous a semblé important de maintenir, grâce à ces messages échangés, les liens qui se sont construits d’années en années et de partager ces textes avec les lecteurs pour que personne ne désespère de ce nouvel isolement et que chacun se souvienne de la force des mots.
Merci à tous les invités du festival qui accepteront de faire résonner à nouveau « D’autres façons de dire le monde » et de nous écrire… depuis…
Les textes italiens ont été traduits par Marguerite Pozzoli
Ibticem Mostfa
Nathalie M’Dela-Mounier
Sylvain Du Pasquier
Mireille Loup
Léa Capdevielle
Ahmed Bah
Chandra Diallo
Michelle Tanon Lora
Christian J. Yankey
Jean-Yves Loude
Mahmoud Soumaré
Agnès Orosco
Soro Solo
René Corona
Mariano Sabatini
Claudio Piersanti
Antonella Cilento
Chantal Mainguy
Marta Morazzoni
Valentina Fortichiari
Laure Royan
Capitaine Alexandre
Tania Hadjithomas Mehanna
Gloire Wanief
Hajar
Issa Ndiaye
Karim Cornali
Moussa Ndiaye
Ndeye Awa
Pathé Dieye
Nohémi Simasotchi
Azza Filali
Meissa Mara
Sabrina Bennoui
Layssa Mbaye
Claire Giudicenti
Ibticem Mostfa
Je vous écris
Version sonore lue par Ibticem Mostfa
Je vous écris depuis Amiens, mais aussi depuis Tunis où mes pieds n’ont pu se poser depuis deux saisons et demie. Je vous écris depuis mes deux maisons, celle d’ici et celle de l’autre côté, là où je suis née.
Je vous écris sans savoir où je suis, ni quelle saison habiter. Le printemps a bien hiberné, l’été s’en est très vite allé, l’automne s’est esquivé. Et si l’hiver printonnait ? L’écrire, le dessiner pourrait le rhabiller. Inventer nos Afriques à faire se croiser nos plumes et chantonner nos voix.
Je vous écris depuis Arles d’où tout part et cheminent les pas pour mieux sonner et résonner, un fil de soi qui cherche mille voies. Ecrire à l’unisson.
Depuis, je vous écris.
Ibticem Mostfa, 12 novembre 2020
Nathalie M’Dela-Mounier
Je vous écris depuis… ailleurs
Version sonore lue par Nathalie M'Dela-Mounier
Je vous écris depuis... ailleurs. Je vous écris d'Ici, du Mali, de Martinique, de Bretagne et d'Allemagne. Je vous écris de tous les lieux du Festival, - Arles, Tarascon, Tunis, Grand-Bassam, Bamako, Vallée du fleuve Sénégal.
Je vous écris de lieux où « Temps-Longtemps », « Temps-Maintenant » et « Temps-Demain » marchent main dans la main.
Partager
Je vous écris de La-bas, car nul ne peut nous assigner à résidence ! Par les mots échangés, on peut abolir les frontières visibles et invisibles, mentales, létales en tissant les liens qui relient nos corps empêchés.
Ne pas céder
Sur l’estran, différent à chaque marée, face à l’océan familier et cannibale, écrivons des paroles clandestines de sable et de pluie – mots-amours, mots-amis, mots-musique, mots-monde – que la mer viendra lécher, happer comme des bois flottés, que le vent portera vers les terres enclavées.
Réinventer
Nathalie M’Dela-Mounier
13 novembre 2020
Sylvain Du Pasquier
Je vous écris de…
Version sonore lue par Sylvain Du Pasquier
Vous souvenez-vous du bruissement de la plume qui griffe le papier ? Un crissement proche du silence et voisin du vacarme.
Je vous écris au bord du chevalet qui s’élève solidement au plein milieu de mon violoncelle. Tout auprès, l’endroit ténu où l’archet peut chanter, gémir, grincer, frémir ou se taire. Je vous écris au bord de ce silence, si profond et si plein, qui ressemble au feulement de la plume sur le papier, au soupir des pages qui se tournent, au respir du lecteur captif.
Au bord du silence, les sons s’allongent, les mots s’entrelacent. Les musiques courent le long des rues. Quelque part quelqu’un chante, ailleurs un refrain bondit.
Le sombre ressac des exils s’épuise, dans le clair matin des rencontres. Partout les poètes re-disent que les hommes ont plus à partager qu’à piller.
Au bord du Rhône comme au bord des lagunes, des vies se taisent, des vies chuchotent, des mots hésitants bégaient, des voix grondent, des voix rugissent.
Alors j’ai besoin d’entendre avec vous. J’ai hâte d’écouter vos chants et de boire vos paroles. Nous allons ouvrir ensemble nos livres comme des cadeaux inattendus et nous allons lire ensemble le grand récit des mers qui nous séparent et des fleuves qui nous unissent.
Je vous écris au bord du silence.
Je sais que vous n’êtes jamais bien loin.
Sylvain Du Pasquier
19 novembre 2020
Mireille Loup
Je vous écris depuis Arles
Version sonore lue par Mireille Loup
Je vous écris depuis Arles, ankylosée comme nombre d'entre nous, artistes auteurs. Mais déjà je rêve de nos lendemains, de notre humanité qui a su plusieurs fois rebondir, surprendre.
Mireille Loup
26 novembre 2020
Léa Capdevielle
Je vous écris depuis mon Pas-Que-Beau
Version sonore lue par Léa Capdevielle
Je vous écris depuis mon Pas-Que-Beau. Je vous écris depuis cette mare d’existences qui divaguent
0ù chacun porte ses nageoires, ses silences et ses vagues.
Je suis portée par une rivière sacrée
Qui au flot de ses caresses
Nettoie l’humanité d’une source poétesse.
J’observe que la vie en elle s’écoule
Pendant que notre monde s’écroule.
Je navigue aveuglément guidée par le très-Haut
A bord de mon humble vaisseau,
Mon Pas-Que-Beau
Léa Capdevielle
30 novembre 2020
Instagram @douxeuphemismeen
Ahmed Bah
Je vous écris depuis… le passé
Version sonore lue par Ahmed Bah
Je vous écris depuis... le passé Dans la cité des papes Je vous écris avec Jean, Ville-art
Ma plume traverse le Rhône
Un pont, celui d’Avignon
J’esquisse une danse avec ma plume
Poétique, théâtrale et
soro-solonienne
Sous le charme de la voix berceuse
Du mistral
mistral gagnant je vous offre une mauresque,
Je chante avec Renaud et je pense à Marcel
Bois pas Pas la gnole – mon Pagnol
Non de Seine, des bouches du Rhône je suis Marius-César
Je vous écris avec le chant des cigales
Le mistral me porte vers mon enfance lointaine
Harmattan
Il me porte vers un ciel bleu, indigo
bleu ciel, indigo, ciel du Sud
Indigo, ciel bleu, chaleur d’Arles
Soleil de Conakry, harmattan enchanteur, harmattan chantant
Des bords du Milo , Mory Kanté
de Bodié – Kandia Kouyaté
Ciel bleu, océan – atlantique
Paroles indigo, Afrique des grands lacs
Couvert d’un bleu, indigo – Lac Tchad
Du léppi – bleu peulh – Massif du Fouta
Je vous écris de Provence,
D’Afrique et d’ailleurs
Ahmed Bah
30 novembre 2020
Chandra Diallo
@ Patrick Searle La Grande Vitrine
Je vous écris depuis mon cœur hors du confinement
Version sonore lue par Chandra Diallo
Je vous écris depuis mon cœur hors du confinement. Je m’y rends sans masque, nue, pure et confiante.
A l’aise, jamais à l’étroit, je marche depuis mon coeur.
Libre et souveraine, je traverse les frontières.
Je vais dans les infinis grands et petits.
Qui donc pourrait m’arrêter quand je marche depuis mon cœur, à la rencontre de mes frères et soeurs d’au-delà les soleils, là où ne suis plus jamais orpheline ?
J’y contemple la Vérité éclairée par le Jour, mon tendre Bien-aimé.
Depuis mon cœur où je t’écris, conduite par le Grand Rêveur, au Cœur du grand rêve où je suis rêvée, je marche vers le grand Voleur, celui qui me l’a dérobé.
Viens, danser danser danser dans mon cœur…
(Chanson : viens danser dans mon cœur)
Chandra Diallo
7 Décembre 2020
Michelle Tanon Lora
Je vous écris depuis mon coeur
Version sonore lue par Michelle Tanon Lora
Je vous écris depuis mon coeur, pour écouter les battements des vôtres. Je vous écris depuis la nuit, pour attendre les premières lueurs de l'aube
Je vous écris depuis les mots pour apprivoiser les maux
Je vous écris depuis lundi pour rallier dimanche et recommencer
Je vous écris depuis mes jambes pour continuer de marcher en chantant
Je vous écris depuis des heures pour pour arrêter le temps qui s’enfuit
Je vous écris depuis ma plume pour vous décrire mon univers
Je vous écris depuis mes peurs pour retrouver le sourire
Je vous écris depuis une terre aride en attendant qu’elle reverdisse
Je vous écris depuis midi pour accoucher le soir… Je vous écris depuis tellement d’endroits que toute une vie ne suffirait pas à tous les décrire… je vous écris… depuis moi.
Michelle Tanon Lora
12 décembre 2020
Christian J. Yankey
Je vous écris depuis… mon cœur
Version sonore lue par Christian J. Yankey
Je vous écris depuis... mon cœur. De ce cœur, je vous écris depuis ma ville natale, Grand-Bassam, où j'ai eu le privilège, inoubliable depuis, de participer à mon premier Festival Paroles Indigo.
De ce cœur aussi et enfin, je vous écris depuis une des lointaines galaxies que j’y ai forgées pour m’évader et échapper, de temps à autre, au « confinement » de cette planète bleue qui nous étreint littéralement et littérairement.
Je vous écris depuis mon cœur avec toutes mes amitiés.
Christian J. Yankey
12/12/2020
Jean-Yves Loude
©G. Gatoré
Je vous écris depuis Kouroussa-Guinée*
Version sonore lue par Jean-Yves Loude
Moi Salif Koné, dit Vendredi 13, je suis tombé du ventre de ma mère d'un coup, en un éclair qui a déchiré son ventre.
Ma mère a écarquillé les yeux, gros comme deux noix de cola, puis elle est tombée sur les fesses. Elle a manqué de m’écraser de stupeur. J’ai crié pour respecter la tradition. Au village, les vieux, occupés à user les racines du manguier avec le fond de leur boubou, ont regardé le ciel et, n’apercevant aucun nuage, ont conclu qu’il y avait du grabuge chez les vautours ou un scandale conjugal chez les génies. Ma mère ne m’attendait pas si tôt. Les cauris tirés par un féticheur qui avait plus de cent ans lui avaient prédit le terme le plus favorable. Raté ! Le devin s’est trompé, mais il n’y est pour rien. Comprenez : il rôdait entre les cases une senteur de poulet yassa qui me picotait les sens. Rendez-vous compte : j’avais déjà passé huit mois dans le ventre d’une cuisinière réputée de Kinshasa à Conakry, une fée des sauces qui attire dans son restaurant clandestin tous les hommes de passage : les rois de la piste, les vestons fonctionnaires, les messieurs chasseurs, les colporteurs de sous-vêtements, les portes képis, les porcs épics, les ivrognes diplômés. Huit mois à humer les ragoûts de pangolin à travers la fine étoffe du ventre gonflé de ma mère, cela donne des envies de se mettre à table, ou plutôt de se jeter dans la calebasse. Je suis tombé par terre, mais ma chute a été amortie par un tapis d’épluchures d’oignons. Je crois que c’est ça qui m’a fait pleurer si fort. Aussitôt, la nouvelle de ma naissance s’est répandue dans le village comme une traînée de criquets qui s’abat sur un champ de sorgho. On a sorti le tambour des occasions phénoménales. C’est le vieux Cissé, respecté pour ses ancêtres marabouts, qui le premier a exigé que je sois doté d’un nom. Tout de suite. Sans attendre qu’un singe rote ou qu’un génie jaloux ne réagisse et débarque sans y être invité pour se régaler de ma chair avantageuse de nouveau-né, avec un appétit décuplé par la jalousie. Oui, il fallait par un nom me fixer sur cette terre de mil et de mangues, m’inscrire parmi les fils du fleuve, me soumettre à la bienveillance du baobab. Ma mère parcourut le calendrier que la Brasserie nationale des bières et boissons gazeuses lui avait offert à l’occasion de la commande de son millième cageot de 33 Export, la bière qui vous assomme deux fois, en la buvant et en la payant. Elle cherchait désespérément un saint poli et respectable, un de ses grands moines blancs portant l’enfant Jésus, ou un de ces apôtres à barbe et robe de laine épaisse. Ses yeux ne devaient pas être encore revenus des vastes terres de la surprise. Encore dilatés par la fierté d’avoir reçu un fils à l’heure bénie du poulet au gingembre, ses yeux ne virent qu’une date : vendredi 13, et ma mère lança son choix à l’assemblée ébahie comme on annonce un plat du jour, unique et indiscutable. Ça sera Vendredi 13. Ce sale mioche, laid comme une calebasse cabossée, puant comme un phacochère cadavré, s’appellera Vendredi 13. C’est pas vrai : je n’étais ni moche ni odorant. Ma mère, comme toutes les femmes qui habitent en dessous de la ceinture méditerranéenne, conjura le mauvais sort en couvrant ma nudité vulnérable d’un pagne de qualificatifs obscènes, pour dissuader les esprits mauvais de m’enlever. Peut-on s’intéresser à un déchet d’enfant encore gluant ? Ma mère murmura : Celui-là sera ma revanche, mon palmier triomphant, un buffle d’énergie, le parasol de ma vieillesse. Celui-là sera ma chance.
Jean-Yves Loude
* village natal de Camara Laye, auteur de « L’Enfant Noir »
12/12/2020
Mahmoud Soumaré
Je vous écris depuis Abidjan
Version sonore lue par Sylvain Du Pasquier, Idrissa Diagne et Marius Du Pasquier
Je vous écris depuis Abidjan, assis au bord de ce qui reste du Ravin après la grande pluie.
Mais ce fut à Arles, en 2018, lors d’une résidence d’écriture organisée par Paroles Indigo, que naquirent dans mon esprit ces premières phrases, que je comptais lire, cette année 2020, devant le beau monde du Festival de novembre :
En ce début de crépuscule chaud et humide de mois de mars, après avoir fait asseoir la visiteuse à côté de lui dans un sec fauteuil en rotin, et pris sa main comme il le faisait avec ses invités lorsqu’il souhaitait entamer un long et beau voyage, le patriarche commença :
« C’est en 1957 que j’ai quitté ceux que j’appelais abusivement les miens. Sur les routes et sur les sentiers battus, une voix me soufflait toujours à l’oreille : Le Paradis, c’est un peu plus loin. Je suis arrivé ici, à cette place, dans ce ravin, en 1959. L’Indépendance arriva une année après, en 1960, et se répandit comme un engrais, comme un pesticide tout autour du ravin, sur tout l’Empire Extérieur. Un engrais qui fit pousser des immeubles partout et un pesticide qui fit disparaître la race des hommes de bien, les semblables d’Amadou Hampâté Bâ, celui qui disait : « Si vous voulez faire une œuvre durable, soyez patients, soyez bons, soyez vivables, soyez humains. » Le pesticide ne put atteindre la fibre des médiocres, de ceux qui avaient extrait la morale et la compassion de leurs cœurs pour en faire des carapaces. »
Je savais que les festivaliers, quelques heures plus tard, migraient d’Arles à Tarascon pour apprécier ailleurs, autrement, le souffle et la saveur des textes. Et c’est dans l’atmosphère feutrée du château ou d’une librairie de Tarascon que je voulais leur livrer ce dernier paragraphe :
« Devant tant de manques et de souffrances, et face à l’imminence de la fin, comment dire aux jumelles, se demanda Baba Mathus, qu’il lui était si paisible, si doux de les entendre réciter magistralement, telle une prière, l’hymne au départ pour la seule vraie patrie de l’homme. Mais les jumelles, elles, en ce moment fatidique, songeaient à une rafale de vent qui viendrait balayer le sinistre nuage d’orage et pousserait leur fin à plus tard, le temps de voir naître puis marcher l’enfant de Chem et de Madame Jeannette, le petit qui leur tiendrait compagnie dans le confinement perpétuel qu’était la vie dans le Ravin. »
J’écris d’ici.
Et de partout pour rappeler à certains et pour faire savoir à d’autres qu’il est des peuples confinés sur la Terre des hommes. Des peuples confinés avant le Covid, et qui le seront bien après, peut-être même pour toujours.
Mahmoud Soumaré
Abidjan, décembre 2020
Agnès Orosco
Je vous écris du canapé sous la fenêtre
Version sonore lue par Agnès Orosco
Je vous écris du canapé sous la fenêtre, où ma vie se rencogne depuis le début des temps cloîtrés.
Je vous écris de la maison de ma mère, à l’orée de la forêt.
Je vous écris de l’an nouveau.
Les fruits de l’hiver sont éclatants sur les rameaux nus,
malgré la grisaille et le chaos des branches et des lianes.
Puisse la 21ème année du siècle 21 se révéler, contre toute attente, féconde, ensoleillée, résistante aux sinistroses. Une année pour croquer la vie à pleines dents, la savourer comme « une pomme sûre ».
Une année de gestes d’affection et d’accolades, une année de traits-d’union et non de barres obliques, de visages et de portes ouverts, une année de proximité sociale, de fraternité, d’entraide.
Une année pour garder la tête froide et le cœur chaleureux. Une année inventive et rieuse. Une année de l’ « inessentiel », de l’amour et de l’amitié, de l’art, de la création, des musées, des théâtres, des cinés, des restaus et des cafés. Une année de forêts, de plages, de rivières, de villes – pas d’entrepôts. Une année de la beauté, du plaisir, du désir. Une année pour aller de l’avant.
Une année sans l’une ni l’autre morgue (éteignez la télé !),
Une année sans peur, sinon sans reproches,
Une année sans croupir, une année sans képis,
Une année bas-les-masques,
Une année de banquettes et de banquets,
Une année de divans où l’on divague,
Une année ‘de concert’, de concorde, en chœur et en accord,
Une année de livres, une année ivre, une année libre…
…. Rêvons un peu
Inventons beaucoup
Aimons passionnément
Rions à la folie
Bonne et heureuse année 2021, bonne santé,
et bouffons le covid en ses métamorphoses……
Agnès Orosco
9 janvier 2021
Soro Solo
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Soro Solo
Je vous écris depuis Paris, de la Rues des Prairies… Accueilli ici par la famille de mon ami français qu’on appellera Vally.
C’est ma famille à Pokaha qui l’a rebaptisé en l’affublant de ce nom tropical car c’était toute une gymnastique pour mes parents de prononcer son prénom ‘’blanc’’ à connotation russe…
Notre premier contact lui et moi, date de 2001 à la faveur de l’un de ses reportages à Abidjan…
Premier rendez-vous à la brasserie ‘’Espace Grill’’ au cœur du quartier des affaires, en face du Centre Culturel Français (aujourd’hui, Institut Français).
Au bout d’une heure de conversation, coup de foudre… Stop ! Qu’on ne s’y méprenne pas…
Nous sommes hétéros tous les deux.
Pour lui et moi, le destin a décidé de couler dans le marbre, cette rencontre fort sympathique, graine d’une amitié semée dans les dédales de Yopougon, de Cocody, d’Abidjan Plateau, dans les rues sablonneuses du Festival des Arts de la Rue, au quartier France de Grand-Bassam…
Contraint de partir de chez moi en 2003, je retrouve Vally à Paris qui m’accueille dans sa famille sise rue des Prairies…
La maison familiale de la Rue des Prairies, c’est la MAISON du BONHEUR.
C’est désormais ma deuxième famille après celle de mes géniteurs des savanes du nord de la Côte d’Ivoire…
D’ici, notre rêve de faire de la radio ensemble, devient réalité.
Ensemble, de longues années durant, nous parcourons le continent africain et les Amériques pour conter et raconter les Afriques…
Cette histoire personnelle me renvoie à Arles, où, au festival Paroles Indigo, Alexandre Oho Bambe rencontre Ibrahima, jeune migrant guinéen qui rêvait devenir écrivain…
Leurs échanges inspireront en grande partie la dernière œuvre du Capitaine Alexandre, ‘’LES LUMIERES d’OUJDA’’ que j’ai bu goulument…
L’œuvre est – à mon sens – juste une leçon de vie, d’amour, de sacerdoce, d’humanisme…
Malgré la violence de nos sociétés, il existe des hommes et des femmes qui se préoccupent de l’humain…
L’histoire du héros des LUMIERES D’OUJDA brille à mes yeux comme une lanterne qui pourrait nous guider dans l’épais brouillard de notre civilisation matérialiste, égoïste…
D’une rencontre à priori éphémère, naît une grande HISTOIRE…
SORO SOLO
Le 19 Janvier 2021
René Corona
Je vous écris du fin fond de l’Italie
Version sonore lue par René Corona
je vous écris du fin fond de l’Italie, de la pointe de la botte en Calabre
sous un ciel gris épais devant la mer
et de l’autre côté l’Etna enneigé
comme un Fuji-Yama
et tout au fond là-bas Syracuse
dans ce paysage chanson
qui n’est plus très en forme
je marche sur une terre bourbeuse
et sous mes pas les semelles se remplissent
de terre mouillée désenchantée
sédimentations prosaïques infinies
qui deviendront peut-être poème
si du limon des vers naîtront
comme fleurs des champs
parfois je trébuche et je ramasse dans mes gamelles
les tâtonnements de cette lente démarche
des pas de mon esprit
malgré le froid malin du matin
parfois je bascule comme un soupir ivre
qui ne trouve plus son centre de gravité
dans un bistrot du centre ou de banlieue
comme un malade seul qui n’a plus le droit
en ces jours de mourir chez soi
c’est peut-être le poids des années
la nuit légère insomniaque
les notes ténues de l’aube
les premiers pas timides d’autrefois
les pas enfants de mon silence renouvelé
ou ceux des amants désunis
sur les pavés sableux d’une romance
citée il était une fois bien des fois
par cœur et qui a le droit de cité
de citer le nœud des mauvais jours
alourdis par le poids de mes pensées
sans guillemets
c’est ainsi qu’on tourne en rond
un pas devant l’autre comme avant
mais pas tout à fait
pas de trains à prendre pas d’avions
les fleurs ramassées pour la visite
improbable restent seules à se faner
alors tu déplaces les livres vers la fenêtre
pour mieux voir mieux saisir l’ensemble
ainsi dévoré englouti absorbé
par ce vieux paysage lacustre et rupestre
qui ne veut plus bouger ni s’en aller
dans quelques jours la fin de janvier
et la merla au long vol viendra
non pas la lupa la louve aux doux crocs
sirocco brumeux de l’été
mais la merle au bec glacial gelé
les trois derniers jours du mois chagrin
les plus froids de l’année
je vous écris du fin fond de l’Italie
mais je n’en suis plus tout à fait certain
vi scrivo dal fondo dell’Italia
vi scrivo dal fondo dell’Italia
dalla punta dello stivale in Calabria
sotto un cielo spesso e grigio davanti al mare
e dall’altra parte l’Etna innevato
come un Fuji-Yama
e laggiù distante Siracusa
in questo paesaggio canzone
che non è più in grande forma
cammino sulla terra fangosa
e sotto i miei passi le suole si riempiono
di terra bagnata disincantata
sedimentazioni prosaiche infinite
che forse diverranno poesia
se dal limo nasceranno versi
come fiori di campo
talvolta incespico e raccolgo nelle mie galosce
i tentennamenti di quell’incedere lento
dei passi della mia mente
malgrado il freddo maligno del mattino
talvolta sbando come un sospiro ebbro
che non sa più ritrovare il centro di gravità
in un bar del centro o periferico
come un ammalato solo che non ha più il diritto
in questi giorni di morire nella sua casa
forse è il peso degli anni
la notte leggera insonne
le note tenui dell’alba
i primi passi timidi di una volta
i passi fanciulli del mio rinnovato silenzio
i passi degli amanti disuniti
sul selciato sabbioso di una romanza
citata c’era una volta molte volte
a memoria e che ha diritto di essere
di citare il groviglio dei cattivi giorni
appesantiti dal peso dei miei pensieri
senza virgolette
è così che si gira in tondo
un passo davanti come prima
ma non del tutto
nessun treno da prendere né aereo
i fiori raccolti per la visita improbabile
rimangono da soli ad appassire
allora sposti i libri verso la finestra
per vedere meglio cogliere l’insieme
così divorato sommerso assorto
da questo vecchio paesaggio lacustre e rupestre
che non vuole più muoversi né andare via
tra qualche giorno la fine di gennaio
e la merla dal lungo volo verrà
non la lupa dalle zanne dolci
scirocco nebbioso estivo
ma la merla dal becco glaciale gelato
gli ultimi tre giorni del mese mesto
i più freddi dell’anno
vi scrivo dal fondo dell’Italia
ma non ne sono più del tutto certo
René Corona
20 janvier 2021
A notre chère Maria Gabriella Adamo, in memoriam
Mariano Sabatini
Vi scrivo da Roma
Version sonore lue par Mariano Sabatini
Vi scrivo da Roma, la città eterna che rischia di soccombere alla cronaca, dopo aver vinto la Storia.
Invasa, assediata, depredata, minacciata dal virus. Ma un sole strenuamente primaverile buca queste malinconiche giornate invernali che si allungano verso l’estate, con la gente attonita che si aggira mascherata e saccheggia come può e appena può i bar per un cappuccino o per l’aperitivo. Con gli appartamenti rigonfi di vita pulsante, le strade – soprattutto la sera, e verso la notte – tornano al deserto di un secolo o due fa. Io sogno di tornare a viaggiare, portare le parole delle mie storie in manifestazioni culturali come Paroles Indigo. Mi piacerebbe leggere l’incipit del mio romanzo, L’inganno dell’ippocastano, ai lettori francesi… <<Senza poter immaginare che sarebbe diventato il luogo del suo assassinio, Ascanio Restelli aveva deciso di acquistare quella grande casa, costruita sul finire dell’Ottocento, quando Roma non si stendeva molto oltre il Tevere. Voleva mettere la giusta distanza tra sé e la confusione del centro storico. >>.Continuiamo a sognare che potremo farlo presto. E intanto facciamoci consolare dalle parole, buttiamoci su di esse come su una nuvola soffice, guardando tutto dall’alto.
Je vous écris de Rome, la ville éternelle qui risque de succomber à la chronique après avoir vaincu l’Histoire. Envahie, assiégée, pillée, menacée par le virus. Mais un soleil ardemment printanier perce ces mélancoliques journées d’hiver qui s’allongent vers l’été, avec les gens qui déambulent, ahuris et masqués et qui mettent à sac, comme ils le peuvent et dès qu’ils peuvent, les bars, pour un cappuccino ou un apéritif. Avec les appartements pleins d’une vie palpitante, avec les rues – surtout le soir, et quand vient la nuit – qui retournent au désert d’il y a un ou deux siècles. Je rêve de voyager à nouveau, d’apporter les mots de mes histoires dans des manifestations culturelles comme Paroles Indigo. J’aimerais vous lire l’incipit de mon roman, L’imposture du marronnier : “Loin d’imaginer qu’elle deviendrait le lieu de son assassinat, Ascanio Restelli avait décidé d’acquérir cette grande maison construite vers la fin du XIXème siècle, quand Rome s’étendait à peine au-delà du Tibre. Il voulait mettre la bonne distance entre lui-même et le chaos du centre historique.” Continuons de rêver que nous pourrons le faire bientôt. Et en attendant, laissons-nous consoler par les mots, jetons-nous sur eux comme sur un nuage très doux, en regardant tout d’en haut.
Mariano Sabatini
21 janvier 2021
Claudio Piersanti
Vi scrivo dall’Infinito
Version sonore lue par Claudio Piersanti
Vi scrivo dalla sommità di una collina marchigiana, non lontana dalla collina natale di Giacomo Leopardi.
Per i turisti che vanno a visitare la casa natale del poeta è facile trovare la prospettiva di alcuni sguardi del giovane Giacomo. Quella laggiù è la siepe dell’infinito, dice il cartello. Che mostra, scolpiti, i versi di riferimento. “Sempre caro mi fu quest’ermo colle…” È una poesia che un tempo tutti gli studenti imparavano a memoria. Giusto, perché è la poesia scritta da un ragazzo. Ma il tema della poesia non è la collina, neppure la dolce linea ondulata del paesaggio che corre verso il mare. Non solo l’ermo colle (cioè collina solitaria), la figura stessa del poeta sbiadisce, scompare. “Ma sedendo e mirando, interminati spazi al di là da quella, e sovrumani silenzi, e profondissima quiete io nel pensier mi fingo, ove per poco il cor non si spaura… ”La contemplazione del paesaggio diventa meditazione metafisica. Certo, sono belle le colline che vedo dalle mie finestre, ma ancora più bello è il cielo tante volte dipinto da Raffaello (anche lui nato non lontano da qui, a Urbino), che continua oltre il sole e oltre le stelle. Al di là, appunto. Lo sguardo non segue i contorni del nostro presente, se ne va lontano, nell’infinito che contiene tutte le direzioni. In questa “immensità s’annega il pensier mio: e il naufragar m’è dolce in questo mare.” Pensare l’infinito è dolce ma non è facile, neppure per un matematico o per un filosofo. Soltanto la poesia riesce a parlarcene. Questo è il panorama che voglio condividere con voi in giorni così bui.
Je vous écris de l’Infini
Je vous écris du sommet d’une colline des Marches, non loin de la ville natale de Giacomo Leopardi. Pour les touristes qui visitent la maison où naquit le poète, il est aisé de trouver la perspective de certains regards du jeune Giacomo. Celle-là, là-bas est la haie de l’infini, dit le panneau qui affiche, sculptés, les vers de référence. “Toujours j’aimai cette hauteur déserte…” C’est un poème qu’autrefois, tous les élèves apprenaient par cœur. Normal, vu que c’est un adolescent qui l’a écrit. Mais le sujet du poème n’est pas la colline, ni même la douce ligne ondulée du paysage qui court vers la mer. Ce n’est pas seulement la “hauteur déserte” qui s’estompe, mais la figure même du poète qui disparaît. “Mais demeurant et contemplant j’invente/ Des espaces interminables au-delà, de surhumains/ Silences et une si profonde/ Tranquillité que pour un peu se troublerait/ Le cœur…” La contemplation du paysage devient méditation métaphysique. Certes, elles sont belles, les collines que je vois de ma fenêtre, mais encore plus beau est le ciel tant de fois peint par Raphaël (né lui aussi non loin d’ici, à Urbino) qui continue au-delà du soleil et des étoiles. Au-delà, justement. Le regard ne suit pas les contours de notre présent, il s’en va loin, dans l’infini qui contient toutes les directions. Dans “tant d’immensité ma pensée sombre/ Et m’abîmer m’est doux en cette mer.” Penser l’infini est doux, mais difficile, y compris pour un mathématicien ou un philosophe. Seule la poésie peut nous en parler. Voilà le paysage que je veux partager avec vous, en ces jours si sombres.
Claudio Piersanti
21 janvier 2021
Antonella Cilento
©Anna Toscano
Vi scrivo dal paese della notte
Version sonore lue par Antonella Cilento
Vi scrivo dal paese della notte, dal bordo dell’orizzonte, dagli occhi del gabbiano, dalle ali della libellula.
Oggi c’è vento forte, le isole mettono le vele, i balconi sono zattere.
Da giorni si cammina ancorati per non volare via.
Salita l’acqua nel lago d’Averno: felici le folaghe, incinte le gatte.
Il mondo liquido porta via pietre e pensieri.
Non c’è notte più lunga di quella che accumula con arroganza errori: da dove siamo il giorno è falso, i popoli asserviti e complici, la ragione agitata come un osso, le bocche piene di normalità.
Vi scrivo, voi che sarete, i futuri.
Da qui si vede bene il da farsi: ripiantumare il mondo, far crescere foreste, respirare. Respirare molto.
Da qui non si partecipa alla confusione, si contempla.
Verso sera tutto è immerso, le nuvole verdi e rosa, il tramonto feroce.
Lontano piove.
Je vous écris du pays de la nuit, du bord de l’horizon, des yeux de la mouette, des ailes de la libellule.
Aujourd’hui le vent souffle fort, les îles mettent les voiles, les balcons sont des radeaux.
Le jour on marche ancrés pour ne pas s’envoler.
L’eau du lac d’Averne est montée : heureuses les foulques, enceintes les chattes.
Le monde liquide emporte pierres et pensées.
Il n’est nuit plus longue que celle qui accumule les erreurs avec arrogance : d’où nous sommes, le jour est mensonger, les peuples asservis et complices, la raison agitée comme un os, les bouches pleines de normalité.
Je vous écris à vous qui serez les futurs.
D’ici, on voit bien ce qu’il faut faire : replanter le monde, faire pousser des forêts, respirer. Surtout, respirer.
D’ici, on ne participe pas à la confusion, on contemple.
Vers le soir tout est immergé, les nuages verts et roses, le crépuscule féroce.
Au loin il pleut.
Antonella Cilento
Le 25 Janvier 2021
Chantal Mainguy
Je vous écris depuis l’exil
Version sonore lue par Chantal Mainguy
Je vous écris depuis l’exil
Qui nimbe de brume
Les souvenirs mutilés
Qui se délitent
Et s’amenuisent
Les voix s’effacent aussi
Comme les visages aimés
Aux contours estompés
Les lieux ne sont plus
Qui pourraient raviver
Même pour un court instant
Les chaleurs du passé
La distance
Consacre l’insolence
Du silence
Les échanges se sont tus
Et la mémoire se fige
Sur des instants
Encore vivants
Volés par mégarde
À l’oubli
Chantal Mainguy
Le 25 octobre 2020
Marta Morazzoni
Vi scrivo da un ricordo
Version sonore lue par Marta Morazzoni
Vi scrivo da un ricordo : la cima del Taigeto in una giornata di luglio
Da una parte riverbera Sparta, giù nella piana dell’Eurota, duemila metri sotto
la meta del nostro lungo, aspro cammino, dall’altra Kardamili in Messenia,
sulla riva del mare. A sud, le quattro dita del Peloponneso sono
evanescenti nelle foschia di una giornata senza vento. Vista dall’alto la
terra di Pelope si riappropria della sua mitica origine e io mi riapproprio
delle mie fantasie. Averla incontrata nella mitologia prima che nella realtà,
nelle imprese d’Ercole e nel rapimento di Elena argiva, nella suggestione
della liquida porta degli inferi che si apre a capo Tenaro, il suo dito più
lungo, l’ha resa un mondo inviolato dalla modernità, a dispetto di quanto la
modernità l’abbia comunque invasa. Passato il canale di Corinto, sono
entrata nel mito, non c’è nome che non lo evochi. E qui ora, dall’alto del
Taigeto, mute le voci della contemporaneità, non posso dubitare che
questa sia la terra di Menelao e di Nestore e di Agamennone.
Vi scrivo da un ricordo, mentre sono in casa, seduta al tavolo su cui si
allunga il mio vasto gatto, ha gli occhi azzurri che mi osservano severi, poi
cedono lentamente e si socchiudono alle carezze. Chissà che miti sta
inseguendo ?
Je vous écris depuis un souvenir : le sommet du Taygète, par une journée
de juillet. D’un côté, Sparte et sa lumière tremblante, en bas, dans la plaine
de l’Eurotas, deux mille mètres plus bas par rapport au but de notre longue
marche ; de l’autre, Kardamyli en Messénie, au bord de la mer. Au sud, les
quatre doigts du Péloponnèse, évanescents dans la brume d’un jour sans
vent. Vue d’en haut, la terre de Pélops se réapproprie son origine
mythique, et moi, je me réapproprie mes fantaisies. L’avoir rencontrée
dans la mythologie avant de le faire dans la réalité, à travers les exploits
d’Hercule et l’enlèvement d’Hélène de Troie, à travers la puissance
évocatrice de la liquide porte des enfers qui s’ouvre au cap Ténare, son
doigt le plus long, en a fait un monde inviolé par la modernité, même si
celle-ci l’a bel et bien envahie. Passé le canal de Corinthe, je suis entrée
dans le mythe, il n’est aucun nom qui ne l’évoque. Et maintenant, du haut
du Taygète, alors que les voix de la modernité se sont tues, je ne peux
douter que cette terre soit celle de Ménélas, de Nestor et d’Agamemnon.
Je vous écris depuis un souvenir alors que je suis chez moi, assise à mon
bureau sur lequel est allongé mon vaste chat. Ses yeux bleus m’observent,
sévères, avant de céder lentement et de se fermer à demi, sous les caresses.
Allez savoir quels mythes il est en train de poursuivre ?
Marta Morazzoni
Le 29 janvier 2021
Valentina Fortichiari
Vi scrivo dalla riva di un fiume
Version sonore lue par Valentina Fortichiari
Vi scrivo dalla riva di un fiume dall’acqua increspata, che sta correndo verso il suo mare come a un appuntamento dei sensi.
Un fiume che evoca altri fiumi, altre storie.
Acque tempestose, per esempio, acque irruenti che divorano argini fragili, travolgono sponde indifese. Fu in un simile tumulto che Leonardo bambino, preso da incantamento, fermò lo sguardo sull’acqua “collerica” dell’Arno, e poteva esserne inghiottito se il nonno non lo avesse afferrato per un braccio mettendolo in salvo. Ebbe inizio da questo spavento il sogno suo di domare fiumi selvaggi e deviarli, impresa folle di un genio delle acque.
Acque peregrinanti di un Po ondivago. All’ombra di bianche betulle, Cesare Zavattini sedeva a dipingere, intingendo il pennello nel fiume del suo cuore. Mai imparò a nuotare, ma sapeva che i poeti camminano sull’acqua.
Nella regione di Tula, all’ombra di tigli frondosi intorno al fiume Voronka, e nelle sue acque, un giorno afoso di fine Ottocento erano andati a cercare frescura Cesare Lombroso e Lev Tolstoj, prima di conversare. Ma l’italiano annaspava, e forse sentiva già nella bocca sapore di ferro, di terra e sabbia, nelle narici odore acuto di mosto. Il vecchio scrittore, esperto nuotatore, prendendolo per i capelli lo salvò : poi lo rituffò nello stagno pacifico di Jasnaja Poljana. Segnò così a suo favore un vantaggio nella contesa, aperta fra loro, su questioni di genio e di follia, crimini e carceri e leggi. Non avrebbero mai trovato un accordo, ma la nuotata nel fiume segnò per sempre i loro ricordi.
Je vous écris depuis la rive d’un fleuve ondoyant, qui court vers la mer comme à un rendez-vous des sens. Un fleuve qui évoque d’autres fleuves, d’autres histoires.
Des eaux tumultueuses, par exemple, des eaux impétueuses qui dévorent des digues fragiles, emportent des berges sans défenses. Ce fut par un tumulte semblable que Leonard enfant, fasciné, fixa son regard sur les eaux “colériques” de l’Arno, et il eût pu en être englouti si son grand-père ne l’avait saisi par le bras, le mettant en lieu sûr. Cette frayeur fut à l’origine d’un de ses rêves : dompter des fleuves sauvages et les dévier, folle entreprise d’un génie des eaux.
Eaux pérégrinantes d’un Po vagabond. À l’ombre des bouleaux blancs, Cesare Zavattini s’asseyait pour peindre, trempant son pinceau dans le fleuve de son cœur. Jamais il n’apprit à nager, mais il savait que les poètes marchent sur l’eau.
Dans la région de Tula, à l’ombre des tilleuls luxuriants qui bordent la Voronka jusque dans ses eaux, un jour caniculaire de la fin du XIXème siècle, Cesare Lombroso et Lev Tolstoï étaient allés chercher la fraîcheur avant de bavarder. Mais l’Italien se débattait, et peut-être sentait-il déjà dans sa bouche un goût de fer, de terre et de sable, et dans ses narines une âcre odeur de moût. Le vieil écrivain, nageur expérimenté, le prit par les cheveux et le sauva ; puis il le replongea dans l’étang paisible de Iasnaïa Poliana. Il prit ainsi l’avantage dans la dispute qui les opposait, sur des questions de génie et folie, crimes, prisons et lois. Ils ne tomberaient jamais d’accord, mais cette nage dans la rivière marqua pour toujours leur mémoire.
Valentina Fortichiari
Le 29 janvier 2021
Laure Royan
Je vous écris depuis ma solitude
Version sonore lue par Laure Royan
Je vous écris depuis ma solitude bruissante d’un monde qui fout le camp, englué dans une prophétie préfabriquée de fin des temps.
Je vous écris depuis mon silence hurlant à contre-courant d’une multitude emportée par les vents dominants, soufflant la peur et l’isolement.
Je vous écris depuis cet ailleurs où nos cœurs d’humains ont enfin retrouvé le chemin de lendemains libérés de diktats menteurs.
Je vous écris depuis ici, Arles, Bombay, Pékin ou Bamako, rêvant d’un espace-temps où j’aurai trouvé la clé des champs.
Je vous écris depuis ici, Arles, Bombay, Pékin ou Bamako, rêvant d’un espace-temps où l’humanité aura retrouvé la clé des champs.
Laure Royan
Février 2021
Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre
@ Léa Desrayaud
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Marc Alexandre Oho Bambe
Je vous écris depuis... Douala
Où je suis né où j’ai grandi où j’ai poussé mon premier cri … de poésie.
Mon chemin
Poursuit
Son chemin
Dans le monde
Dans la ronde
Des souvenirs
Qui redessinent
Les sourires
De l’enfant et du père qui marchent
Ensemble
…
Étonnant
Ce sentiment
Par foi
De n’être
Jamais parti
Alors que ma vie
Dit le contraire
Détonnant
Ce sentiment
Par foi
D’être de partout
Et de nulle part
D’ici
Et de là-bas là-bas aussi
…
Je suis
Au MBOA
Anagramme
D’initiales en feu
Que je porte
Fièrement
Sous ma chemise
À gauche
…
Partir
Revenir
Devenir
Chanter
Sa saudade
Deposer
Son fado
Au pied
D’un arbre centenaire
Longer la rivière
Et se rappeler
Du futur qui danse makossa
Et de ces mots mantras
Tout peut
Tout
Toujours
Tout peut
Tout
Tout peut être annulé
Sauf nous
…
Sita na timbi mboa
Marc Alexandre Oho Bambe
Dit Capitaine Alexandre
Mars 2021
Tania Hadjithomas Mehanna
Je vous écris depuis Beyrouth
Version sonore lue par Tania Hadjithomas mehanna
Je vous écris depuis Beyrouth, ma douceur, Beyrouth ma douleur qui se meurt aujourd’hui
Je vous écris depuis Beyrouth que je vois s’effacer sous mes yeux effarés.
Je vous écris depuis Beyrouth où j’essaie de rattraper les choses et les gens qui se diluent dans le désespoir
Je vous écris depuis Beyrouth où les cratères sont profonds et les blessures à vif.
Je vous écris depuis Beyrouth où ma vie ne ressemble plus à ma vie, où ma vie ne ressemble plus à la vie.
Je vous écris depuis Beyrouth où sur cette terre qui a donné tant de saints on attend le miracle
Je vous écris depuis Beyrouth qui encore une fois va mourir pour renaitre comme si c’était son unique destin.
Je vous écris depuis Beyrouth où il n’y a plus rien à dire mais où les mots qui voyagent reviendront peut-être chargés d’espoirs. Peut-être.
Tania Hadjithomas mehanna
Mars 2021
Gloire Wanief
Je vous écris depuis demain
Version sonore lue par Gloire Wanief
Je vous écris depuis demain ou après-demain bref depuis le futur.
Ne soyez pas surpris, sachez seulement que venir ici fut dur.
Je vous raconte ma belle aventure,
Afin que vous soyez prêt à tout.
Mais faites sortir les gosses avant que je ne déballe tout.
Je suis chez moi et je vois s’entasser des poubelles dans la ville,
Il est 23h à Pointe-Noire et aucune lumière dans la ville,
Les humains attachés à leur smartphone, regards perdus dans le vide,
C’est au rythme des notifications que les cœurs vibrent.
À mon avis,
Les gens ne s’aiment plus, les gens ne s’aident plus.
Sinon comment expliquer ces gens qui vivent dehors, dans la nuit et même sous la pluie ?
De nombreuses espèces ont disparu,
Des vieux et vielles meurent à cause du palu,
Et des petites filles perdent leur clitoris,
Mais quel crime horrible ?
Il n’y a plus aucun respect pour la vie d’autrui,
L’humain agit comme s’il était hors de la nature.
Ici la famine tue,
Là-bas ils jettent la nourriture !
Des points positifs ? Je n’en vois pas.
J’aurais pu parler de l’abolition de l’esclavage mais anciens esclaves sont devenus dictateurs
Ils règnent en maîtres sur leur propre peuple,
Haïssant leur propre peau.
En plus,
De l’espoir, il y en a trop peu.
Énormément de discours pompeux,
Aucune promesse tenue et ça se repositionne sans jamais être honteux.
Les jeunes qui hier les critiquaient, aujourd’hui adultes font comme eux.
Notre planète est riche et toutes ces richesses restent entre eux.
Les femmes crient à l’égalité mais trop douce est leur colère,
Des agressions sexuelles aux féminicides, que des incitations à la peur,
Trop peu de femmes parmi nos dirigeants,
Personne ne trouve cela dérangeant,
Les femmes c’est de la main d’œuvre gratuite, juste du bétail.
200 millions de femmes excisées mais pour eux c’est juste un détail.
Néanmoins avant n’était pas mieux, nos descendants répètent nos erreurs.
Je me demande si c’est irréversible !
Est-il possible de faire mieux loin de cet univers-ci ?
Tout est sombre et je rêve que la lumière apparaisse.
Ma foi pleure car Dieu a été remplacé par des appareils.
Le monde change même si dans le fond tout est pareil,
La souffrance est restée la même,
Le futur me laisse un goût amer,
Je vous écris depuis sans réponse ceci est ma dernière bouteille à la mer.
Gloire Wanief
Mars 2021
Hajar
Je vous écris depuis ma ville natale
Version sonore lue par Hajar
Je vous écris depuis ma ville natale,
Je vous écris depuis des années en espérant que vous m’entendrez
Je vous écris frénétiquement, dans un rythme infernal
Je vous écris parce que la vie m’a longtemps châtiée
Je vous écris encore
Sans qu’il n’y ait de réponses
Alors je survis dans ma grande bulle spacieuse
Alors je survis gardant comme trésor de pensées mélodieuses
Mais d’un coup, j’arrête d’écrire car l’espoir n’est plus
Mais d’un coup, la vérité est une plaie remplie de pu
Mais d’un coup, je me rends compte que l’homme est fou
Je n’écris plus car il n’y a rien à dire dans un monde
Où les hommes ont décidé de démissionner
De jeter les armes, de déserter
Les ténèbres au fin fond grondent
Ils pleurent la légende humaine
Ils pleurent la réalité soudaine
Impromptue, inélégante, acharnée
Je n’écris plus car il n’y a plus rien à sauver
Et si j’avais tort, de m’astreindre si facilement
D’accepter mon sort si aisément
Et si j’avais tort ?
Alors je m’acharne
Dans un premier temps, je me déteste
Voyage dans les sphères du temps
Et parce que rêver est un devoir
Je pense à mes enfants
Mais que pourrai-je offrir à mes enfants ?
Dans mon pays de la Téranga ?
Comment leur montrer la beauté du monde ?
S’il est vautré dans de sales draps
Mais que pourrai-je montrer à mes enfants ?
La poubelle dans les quartiers
La saleté des espaces publics
Des odeurs d’eaux usées
Une vision satyrique
Que pourrai-je montrer à mes enfants ?
Que le monde est injuste
Qu’il y a des talibés à chaque coin de rue
Que leurs pleurs ne sont pas justes
Qu’on ne peut rien pour sauver leurs âmes nues
Peut-être devrai-je les amener à la mer
Dans ces endroits où sévit l’érosion côtière
Peut-être devrais-je les amener à la mer
Pour qu’ils voient disparaître la tombe de mon père
Que pourrai-je leur dire à mes enfants
Quand ils n’auront pas d’eau pour se laver
Car la maison des eaux aura décidé de nous sevrer
Que pourrai-je dire à mes enfants ?
Comment leur expliquer que notre pays n’avance pas
Qu’ici les chefs d’Etat ont tous les droits ?
Que s’ils veulent faire de grandes études
Ils devront aller loin de moi
Comment pourrai-je dire à mes enfants qu’ils devront me quitter ?
Que pourrai-je dire à mes enfants ?
Hajar
Mars 2021
Issa Ndiaye
Je vous écris depuis le plus bel horizon
Version sonore lue par Issa Ndiaye
Je vous écris depuis le plus bel horizon
Depuis Diourbel le bel, le Sénégal central.
Et je vous écris depuis l’azur de mon cœur,
Ce véniel univers qui vit tout l’Univers
Dans son sens vespéral, son mystère matinal,
Et nectar nocturne qui nivelle les dons.
J’habite dans l’habit sans abus du poète
Porteur du monde dans son monde deuil-et-fête
Pour dire aux êtres de l’éther et de la Terre
La commodité humaine d’aimer son frère.
Son frère est l’adamique jardinier de paix
Qui cultive les vertus dans chaque jardin.
Sa sœur est la dame, sa maîtresse au lait
Qui arrose la vie pour y tuer tout dédain.
Je ne dis pas le semeur sous-humain de mal,
Je ne dis pas non plus la bête humaine immonde
Qui brise les vertus et tout le Bien du monde ;
Pour cela je vous écris de mon air kamal.
Que fleurisse la Poésie au Printemps des poètes
Et glisse dans les cœurs la grandeur des têtes
Des poètes émérites détenteurs des mètres
Et apprentis téméraires émules des maîtres.
Issa Niaye
Mars 2021
Karim Cornali
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Karim Cornali
Je vous écris depuis
Une maison en flammes
Sur un rocher
La porte est cassée
Les verrous ont sauté
Les fenêtres ont explosé
A mes pieds, la mer
Est déchaînée
Il n’y a nulle part où aller
Une seule chose à faire :
M’envoler !
Karim Cornali
Mars 2021
Moussa Ndiaye
Je vous écris depuis la terre africaine
Version sonore lue par Moussa Ndiaye
Je vous écris depuis
Je vous écris depuis la terre africaine
Connue pour l’esclavage et sa peine
Ici on trouve le bonheur dans la douleur
Notre force est notre couleur
Je vous écris depuis la forêt des abeilles
Là où les arbres côtoient le ciel
Les oiseaux chantent l’éternel
Les cours d’eaux sont pêle-mêle
Le sous-sol regorge de merveilles mais on est ébloui par le soleil
On s’appelle frère même si on se poignarde par derrière
On sait faire semblant d’avoir des bonnes manières
Je vous écris depuis le Gabon
Un pays de l’Afrique centrale
Qui ne cesse de toucher le fond
Devant les marches de la cathédrale
Ici le peuple ne meurt pas de faim mais d’espoir
Car à force de croire par force on tue l’espoir
Par peur d’être des détenus
On s’en fout des promesses non tenues
On prie et que Dieu nous aide
Chaque jour on crie à l’aide
Je vous écris depuis le pays de Senghor
Là où le poète mort parle encore
Ici la gentillesse est traditionnelle
On consomme la maladresse comme de la Citronnelle
Chez nous la vie est paisible
On se dit tout le temps tant qu’il y a de la vie tout est possible
Je vous écris depuis le fond du puits
Là où je suis, je confonds le jour et la nuit
Je ne vois que le fond et je m’ennuie
Et puis ce que je suis me crée des ennuis
Parce qu’ils disent que je suis maudit
Vu que le fils du voisin roule en Audi
Et moi j’habite dans un taudis
Lui il est allé en Europe par la mer
Maintenant il aide sa mère
Moi je suis diplômé et lui pas
Et c’est moi qui galère et lui pas
Alors comment ne pas suivre ses pas.
Je vous écris depuis le pays de haine
Où la joie se mélangent à la peine
Manger une madeleine est aussi rare que de voir une baleine
Ici l’amour se monnaie peu importe le prix
Par amour on se connait si tu paies le bon prix
Je vous écris depuis le sommet du monument de la Renaissance
Pour vous dire que l’Afrique connait une nouvelle naissance
Que ces enfants sont devenus des visionnaires
Que dans cette époque les Africains sont des missionnaires
Ils ont pour mission de conquérir le monde
Que leur empreinte se ressent comme des ondes
Que la honte n’est plus d’actualité
Que parler sa langue au milieu des autres est une forme de pluralité.
Une force qu’il faut populariser
Nous ne sommes plus la risée
On est arrivé à extérioriser notre diversité.
Je vous écris depuis la cachette du futur
Ici le mépris se mange comme la confiture
On a tous des prix égaux à notre rendu
Je vous écris depuis, depuis et c’est maintenant que je suis entendu.
DINSTROY
Moussa Ndiaye
Mars 2021
Ndeye Awa
Je vous écris depuis ma folie passagère
Version sonore lue par Ndeye Awa
Je vous écris depuis ma folie passagère, depuis ma zone de turbulences.
Je vous écris depuis la haute froideur des Alpes, depuis l’océan turquoise qui cerne le bleu Istanbul. Je vous écris du Sahara, depuis l’harmattan rouge, vert, blanc, depuis l’harmattan déroutant et qui souffle et qui gicle, chaud, sur ma joue froide, ma joue froide de la haute froideur des Alpes.
Je vous écris depuis Dakar, depuis les klaxons insolents, les couleurs silencieuses, depuis la haute pointe de l’Afrique, depuis mes monts et mes merveilles. Je vous écris depuis ma commune, depuis ma ville et ses délires, depuis mon univers et ses délices. Je vous écris depuis mes rêves célestes qui attendent à la porte des anges.
Je vous écris, et puis j’attends. J’attends mes amis couleurs d’abeilles, de miel et de merveilles. J’attends mes amis couleurs de mangues mûres, couleurs d’insectes sauvages. Mes amis couleurs de terre. Mes amis perdus parmi des absences vertes, jaunes, blanches et rouges.
Je vous écris et puis j’attends. J’attends nos retrouvailles, douceurs tropicales. Nos retrouvailles goût de piment vif sur nos langues assoiffées d’amitié.
Ndeye Awa
Mars 2021
Pathé Dieye
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Pathé Dieye
Une tactile déshumanisation
Je vous écris depuis un monde qui vit sa nouvelle prophétie
Celle de cette religion qui compte le plus de convertis
Où des fidèles sur le saint écran jurent et prient
Là où on devient érudit en arborant le smartphone du dernier cri.
Je vous écris depuis cet univers où l’Imam est celui qui a le plus de followers
Et où on est vite muezzin car quand on est suivi on devient influenceur.
Dans ce monde, le prêtre prêche les hashtags à suivre
Les versets à aimer et à partager pour survivre.
Je vous écris depuis ce monde où le « Je » prime sur le « Nous »
On apprend, dans la communauté à se valoriser seul à tous les coups
A cause du selfie
On s’égare en soi, de l’autre on fait fi.
Je vous écris depuis cette terre où on ne tisse plus du lien
Où on ne se regarde plus pour voir si ça va mal ou bien
Là où chacun se désocialise, se désolidarise,
Connecté à un réseau social, on est asocial, avec la solitude on pactise.
Je vous écris depuis cette ère où les parents sont des géniteurs biologiques
Et ne savent pas ce que font leurs fils sur le numérique
Et si on le leur raconte, ils diront que c’est illogique
Se rendre compte du décalage est déjà sur la tête, un bon coup de brique.
Je vous écris depuis cette époque où le jour de l’anniversaire, on écrit HBD
Pour nos morts, on met RIP
Même les choses les plus précieuses sont abrégées
Condamnés sommes-nous à consommer, à glisser sur le fil d’actualité.
Je vous écris à côté de ces êtres qui rient et pleurent par des émoticônes
Qui laissent des rats de gare devenir des icônes
Un temps où on devient célèbre, riche de ses conneries
Adulés quand on a que des vilenies à proposer sur le parvis.
Je vous écris depuis une vitrine où on est hanté de paraître sans filtre
Au lieu de rester soi, on préfère faire le pitre
Ici, la fibre est la nouvelle dopamine
On est des accros qui pensent être branchés, à la page, à la bonne cantine.
Je vous écris depuis ce monde où le néo-paganisme est le techno chamanisme
A des applications, on a prêté allégeance, vivant notre virtuelle fanatisme
Je vous écris dans un monde où tactilement emprisonné
Je cherche l’issue pour retrouver mon humanité.
Auteur : Patherson
De son vrai nom Pathé DIEYE
Mars 2021
Nohémi Simasotchi
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Nohémi Simasotchi
Je vous écris depuis l’ombre du monde.
Paroles entrelacées,
Messages jetés
Au grès du vent du désert,
Résonants et ricochant au plus profond de notre être,
Voix venues d’ailleurs,
Voix nouvelles,
Vous avez enseveli mon cœur de bonheur,
Par vos milliers de pensées,
Vos odes à l’espoir,
Votre communion pour la poésie.
Je vous écris de ma forteresse,
Mon antre depuis ces dernières années,
Je vous écris depuis un lieu qui ne cesse de changer,
Il se construit petit à petit par les livres,
Les articles et la musique.
Il change par les personnes qui y rentrent,
Grâce à leurs énergies, leur vitalité,
Mais aussi grâce aux personnes qui en sortent.
Elles construisent cet endroit invisible aux yeux de tous.
Je vous parle d’ici et de là.
Je vous parle depuis ce voyage humain.
Je vous parle depuis mon âme.
Nohémi Simasotchi
Avril 2021
Azza Filali
Je vous écris d’Ifrikya
Version sonore lue par Azza Filali
Je vous écris comme on parle. Croyant parler j’écris.
S’élève alors en moi la parole la plus pure. Mon premier pays est sans conteste ces mots noirs qui déflorent une page à jamais nue.
Je vous écris d’un pays proche et pourtant lointain. Un pays où toutes les rues portent le nom de ma mère. Ce pays n’est que fureur et chaos mais le printemps y a déposé une douceur qui a le goût des débuts. A travers champs, des fleurs aux tiges frêles déploient leurs ors que blessent les coquelicots. Dans l’air cristallin plane l’insoutenable légèreté de l’éphémère.
Je vous écris de l’esplanade de la grande avenue qui unit TGM et Casbah, les manifestants dispersés ont rangé leurs fanions et sur la ville le silence étend ses bras diaphanes. Bientôt le prochain rassemblement, demain la prochaine colère, mais ce soir le crépuscule déploie sa paix, la lumière baisse, éteignant les vaines révoltes et les êtres retournent au logis mâchant une déception qui cuit à feu doux.
Je vous écris d’une contrée où le bonheur a un goût de larmes, larmes rentrées qui creusent les regards et coulent par gros bouillons tout au fond, là où on a mal sans le dire, sans le savoir parfois.
Je vous écris d’une terre où l’espoir s’est endormi, gavé de vaines promesses. Dans la sueur de leurs draps, les hommes rêvent de meilleurs qui tardent, dix ans déjà, compteur des âges, dix ans, si longs, si brefs, ou est le paradis escompté. Égaré entre les paroles des politiques, enfouis dans une attente qui n’en finit pas de s’égrener, dix ans qui n’éteignent pas le désir clapotant en chacun. Dans la nuit les étoiles se déposent sur la plaine, constellant les oliveraies de pépites de diamantine. Aimer est difficile. C’est pourtant à travers ronces et crevasses dans les affres du désordre que monte l’amour du pays. Passion ineffable que chaque matin renouvelle. Premier repère d’une âme. Aimer sans espoir de retour, n’est ce pas le propre de l’amour pur ? Aimer et attendre que la chance reparte.
Azza Filali
Avril 2021
Meissa Mara
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Maissa Mara
Je vous écris depuis
La grande écurie où le Lion a pris son nom louable
Là où est forgée l’épée du vénérable Héros national
Je vous écris depuis
Mon épatante cité où tout est mêlée
Là où jeunes et vieux sont fortement liés
Je vous écris depuis
Une contrée royalement historique
Au passé à la fois glorieux, salé et suave
Je vous écris depuis
Ce virage qui a vu flotter des sillages
Et a germé des villes et villages
Je vous écris depuis
Ce royaume qui a fécondé Ndiambour, Cayor, Baol, Sine et Saloum
Là où j’ai goûté aux délices du meilleur plat national, le mbaxalu Saloum
Je vous écris depuis cette bande qui abrite le cœur de la Teranga
Cette guillerette contrée qui porte le grand baobab de Dokhoba
Je vous écris depuis le cœur du Sénégal
Depuis le berceau de la tradition orale
Je vous écris depuis le grand Jolof
À Linguère particulièrement Ouarkhokh
Chez nous…
Les habitants cote à cote, les avoir coté couronné par la splendeur du feu à côté
Ce feu qui rapporte consolation et emporte toutes tensions
Ce feu qui rapproche nos émotions et escorte nos contemplations
Pour démystifier les mystères à travers les méandres de l’histoire
Les valeurs cardinales contre la parole maudite et les maux non dits
L’héritage laissé par nos aïeux contre la médiocrité applaudit
Chez nous les récits se disent quand la nuit se pointe
L’enfant chez nous est assoiffé de savoir
Car celui qui le détient a le pouvoir d’un bougeoir
Qui guidera ses pas même dans des trous noirs
Honneurs aux hommes et Femmes qui combattent la peur qui ruine
La peur qui affaiblit
Pour que celui qui récolte le travail sème une belle vie
Dans ce village le lien entre homme et animal
Est tellement fondamental que quand un animal à mal
L’homme aussi se sent moralement mal
Le don de soi au profit du bien collectif
La parole des anciens nous interpelle
Elle nous parle, elle avive les étincelles
D’une prise de conscience très fédérative
Écoutons nos cœurs et elle sera le soleil d’une humanité illuminée
Le désir d’être approuvé par tout le monde, c’est une véritable vanité
L’homme se définit par ce qu’il est et non par ce qu’il a
Par cet amour qui révére, nos cœurs détiennent les comptes de la joie universelle
Meissa Mara
Champion du Sénégal de Slam Poésie
Avril 2021
Sabrina Bennoui
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Sabrina Bennoui
Je vous écris depuis mon modeste studio parisien que j’ai longtemps trouvé minuscule, mais dans lequel je me sens si bien aujourd’hui.
Il est devenu mon temple, mon sanctuaire.
Il représente mon fort intérieur, au sens propre comme au sens figuré.
J’en ai fait mon cocon, que je cultive et entretiens.
Il est minimaliste et me permet de m’entourer de l’essentiel.
Je l’ai aménagé à mon image si bien qu’il reflète mon état d’esprit profond et l’énergie que j’ai envie d’envoyer au monde et à tous les amis de Paroles Indigo.
Je vous souhaite également d’être à l’aise sous votre toit car c’est une sensation précieuse, en particulier en ces temps de confinement, et qui n’a rien à voir avec la superficie.
Sabrina Bennoui
Journaliste
20/04/2021
> Youtube Esprit Arabe — Sabrina Bennoui – YouTube
Layssa Mbaye
Je vous écris…
Version sonore lue par Layssa Mbaye
Je vous écris depuis mon nid douillet, au cœur d'un baiser du fleuve et de la mer.
Je vous écris avec amour et sensation, avec passion et vibration.
Je vous écris pour semer des mots et cueillir vos maux,
Je vous écris, vous qui lisez dans vos cellules prisonniers du corps et libre de l’esprit.
Je vous écris pour repeindre le visage d’un monde pâle, volé de son charme par Dame Covid.
Je vous écris en Italique dans l’âme d’un médecin afin de vous administrer des mots palliatifs.
Je vous écris depuis l’autre bout du monde, d’une langue qui n’est pas mienne, pour un public hétérogène parce que l’on se comprend.
Je vous écris librement et fièrement avec attachement, sans distinction de Race ou de religion.
Je vous écris en paix. Depuis mon nid douillet, mon Saint-Louis natal.
Je vous écris cordialement en paroles indigos.
Layssa Mbaye
L’Aigle Du Nord
Avril 2021
Claire Giudicenti
Je vous écris depuis…
Version sonore lue par Claire Giudicenti
Aujourd’hui 24 avril. Je vous écris depuis la terre natale de ma famille arménienne.
C’est l’Anatolie ottomane devenue Turquie dans le sang arménien et grec et assyro-chaldéen et dans la fuite des survivants.
Le rouge, le noir, sont les couleurs de cette tragédie génocidaire, maintes fois répétée sous des formes plus atroces les unes que les autres envers de trop nombreux peuples.
Née française, je me sens solidaire de tous, dans un pays où l’accueil est une tradition forte mais oh combien imparfaite.
Je me pare de toutes les couleurs de ces peuples, couleurs blanches, noires, jaunes et toutes les nuances des métissages que j’aime tant.
Cela donne une couleur magnifique, l’Indigo que les langages portent fièrement, à l’oral, à l’écrit, en images….
Et j’embrasse avec amour toutes ces Paroles Indigo ❤️
Claire Giudicenti
Avril 2021
Je vous écris depuis
une initiative imaginée en partenariat avec le Printemps des Poètes, les Classiques Ivoiriens, Nirvana Editions, l’Institut français de Saint-Louis du Sénégal et Soleil FM