8 mai | Commémoration et Réflexion

Alors que nous commémorons les conflits passés, nous réfléchissons également à ceux qui continuent de marquer le monde d’aujourd’hui.

Merci à Marc Alexandre Oho Bambe, « Capitaine Alexandre » et à Caroline Bentz, qui nous ont transmis les deux poèmes que nous partageons avec vous pour rappeler l’urgence de la paix et la puissance salvatrice de la poésie.

Unissons-nous pour réfléchir, commémorer, et surtout, croire en un avenir où la paix l’emportera. Pour reprendre les mots de Marc Alexandre Oho Bambe, « Il y a et il y aura toujours quelque chose à sauver. »

oui mais
on commémore ici
et des bombes sèment
la mort là-bas
des hommes des femmes et des enfants
des enfants tombent
et les plus jamais ça et les cessez-le-feu qui pleuvent, rien n’y peuvent.
things fall apart !

et au milieu de la violence et de l’absurde, la poésie et le sens, des choses qui s’enfuient, la beauté toujours envisagée, toujours recherchée, toujours trouvée quelque part, dans une phrase-étincelle, le sourire irradiant d’un amour, la grâce de certains silences, mère nature verdoyante, les arbres et leurs feuilles au printemps, la roche qui sourit, la rivière émeraude qui coule sereine, le chant d’éternité de Sita, les refrains des tisserands de Suza, le soleil après l’orage, tes notes de lumière au piano, simple et délicieux l’horizon au loin au plus près de nous, la vague heureuse qui déferle pleine et déverse sa joie au pied des filles et des fils de la terre, du ciel et de la mer que nous sommes, la poésie et le sens que nous donnons à la vie, la poésie et le sens que nous ordonne la vie, envers et contre tout, en vers et en prose et en actes, et avec toutes celles et tous ceux qui continuent obstinément à croire, qu’un autre monde est possible.

oui mais
on commémore ici
et des bombes sèment
la mort là-bas
des hommes des femmes et des enfants
des enfants tombent
et les plus jamais ça, et les cessez-le-feu qui pleuvent, rien n’y peuvent.
things fall apart !

et je pense à Gaza, à Rafah aujourd’hui, au Kivu, à l’Ukraine, à la Syrie, à l’Irak, à la Centrafrique, au Rwanda hier, au NOSO, à 14-18, à 40-45, à l’Algérie, au Vietnam, au Japon, au Cameroun, à la Yougoslavie, au 7 octobre, au 7 avril, au 7 mai, aux camps de concentration et aux trains de la mort, aux otages, à toutes les familles innocentes, à toutes les guerres, sales quoiqu’on en dise, à tous les attentats perpétrés contre nous-mêmes, tous les génocides commis par l’Homme sur l’Homme.

things fall apart !

et il en faut de la foi, pour croire encore, croire toujours, penser contre soi-même parfois, pour rester du bon côté, celui de la vie, le seul côté qui vaille tous les efforts et toutes les peines, celui de la paix.

things fall apart depuis la nuit des temps, et les minutes de silences d’hier ont précédé celles d’aujourd’hui qui précédent celles de demain, qui elles-mêmes précéderont celles d’après-demain. l’être humain n’en aura pas fini avec la violence tant qu’elle n’en aura pas fini avec lui. il y a et il y aura toujours une raison, un bout de terre, un peu de pétrole, un sous-sol trop riche, le désir pour certains de posséder ce qui ne leur appartient pas, la volonté de remplacer ce qui est, et donc en conséquence pour d’autres, la nécessité de se lever et de se battre, pour protéger leur intégrité, préserver leur dignité.

il y a et il y aura, toujours une raison, une raison juste ou injuste et dans le même temps, toujours quelque chose, quelque chose à sauver.

alors au milieu de l’absurde et de la violence, le sens et la poésie, des jours qui s’enfuient, nos liesses claires d’êtres vibrants, nos envies et nos voix qui comptent aussi, dans tout ce vacarme nos armes miraculeuses et nos drapeaux blancs, nos marches solidaires, nos sit-in, nos get up stand up, nos one love, nos bouquets de mots contre la mort, les colombes qui déploient leurs ailes pour la vie, et volent sous la mitraille vers le jour et l’espérance du jour, infini qui tarde à advenir.

things fall apart !

mais s’il y a un chemin, un début, le murmure d’un possible. s’il y a une main tendue, un pont, l’amorce d’un amour. il est dans la poésie.

things fall apart !

ejo et je relis Darwish, et la poésie qui m’a cueilli ce matin, et a pris soin de mon âme, comme  le soir rose traversant les frontières et les lignes de démarcation, toutes les frontières et toutes les lignes.

things fall apart !

ma douleur est déjà grand-mère, elle a enfanté une douleur plus grande que la sienne,

nous aussi nous aimons la vie, quand nous en avons les moyens,

que peut la littérature face à un enfant qu’on assassine ? rien et pourtant une seule phrase dans un seul livre peut bien sauver toute l’humanité,  

les mots s’enlianent, émoi, leurs voix résonnent en moi, Amichai, Darwish, Frankétienne parlent ensemble, d’une seule foi, en la poésie, et peut-être aussi, en l’humanité, rabaissée, humiliée, piétinée, tabassée, gazée, fusillée, bombardée, coupe-coupée, mais toujours là, quelques fois où on ne l’attend pas, où on ne l’attend plus, debout digne, à se rappeler à nous et à nos consciences par une parole poétique, parole poïétique, qui nous nomme et nous somme, de ne pas, de ne jamais, renoncer à énoncer.

oui mais
on commémore ici
et des bombes sèment
la mort là-bas
des hommes des femmes et des enfants
des enfants tombent
et les plus jamais ça et les cessez-le-feu qui pleuvent, rien n’y peuvent.

et au milieu de partout et de nulle part, j’écris et je chante, pour ne pas crier,
j’adresse prière à l’aube

MAOB

#ÉCRIREJUSTEJUSTEÉCRIRE

ICI LÀ-BAS

Caroline Bentz

Ici le jour se lève
Sur le chemin des écolières
L’air embaume l’insouciance
Un parfum de printemps
Fleurs écloses
Pollens vagabonds
Promesses d’automnes sucrées
Ailleurs c’est la poudre
Qui chatouille le nez des enfants
La poussière
La peur
La mort aussi
Si elle ne les a pas pris
Dans la nuit

Là-bas, les enfants ne jouent pas
À faire semblant
De faire le mort
Il se joue avec elle
Un jeu macabre
Aux règles fixés par des « grands »
Qui ont oublié
Le son des rires cascades dans la cour de récré
Le bruit que fait la balle en rebondissant
Les notes des comptines chantées à l’unisson
Qui s’échappent de la classe pour tomber
Dans l’oreille d’une grand-mère
Qui part faire son marché
Cueillir milles saveurs

Là-bas, il n’y a plus d’écolières
Parce que les écoles leur sont interdites
Ou parce qu’elles ne sont plus que tas de gravats
D’où s’échappent peut-être
Quelques mots de paix
Quelques vers d’amour
Enfuis d’un recueil de poèmes
Rescapés

Jasmin
Muguet
Lilas
Roses
Et œillets
Faites exploser vos fragrances
Vents
Du nord
Du sud
Brises
Et alizés
Portez ces senteurs de tendresse
Aux narines des « grands »
Qui ont oublié
Qu’aux jeux de la guerre
Aucun enfant
N’a jamais gagné
Pour que s’éveille en eux
Le rêve ardent
D’ouvrir des chemins de paix
À toutes les écolières
À tous les écoliers